« Tout homme, toute femme, qui assigne une fin à l'amour, n'aime pas. Tout être humain ou animal qui fixe un but à l'amour, n'aime pas. Qui impose un contenu, n'aime pas. Qui rêve un foyer, une maison, un enfant, de l'or, une récompense, n'aime pas. Qui court après la réputation, l'ascendant social, le cheval, la voiture, l'honneur, n'aime pas. Qui vise le champion du tournoi, l'intégrité religieuse, la propreté, la délicatesse de la nourriture, l'ordre du lieu, le soin du jardin, n'aime pas. Celui qui prétend s'introduire dans un groupe auquel il n'appartient pas, ne serait-ce qu'atteindre les objectifs les plus sûrs - la mère dans l'homme, le grand-père maternel dans la femme -, n'aime pas. Celui qui recherche la culture, la virtuosité, le courage, l'expérience, la fierté, le savoir, n'aime pas. Dans l'étreinte Dieu et Je sont morts. »
Paris, XVIe siècle. Au mois de mars, a lieu dans le quartier du Marais un prestigieux concours de chant. Bernon l'Enfant, à la voix cristalline, suscite admiration et jalousie, surtout de son concurrent le plus mortel... Pascal Quignard, véritable chantre du passé et gardien des portes de la mémoire et de la mort, se saisit des coutumes d'époque et de la fureur des Guerres de Religion pour révéler l'incommensurable et intemporelle vérité chez l'homme : la perte de son innocence face aux vicissitudes du temps présent. Séduisant comme le Styx, dangereux comme les voix des sirènes, Le Chant du Marais nous plonge dans les noirceurs des désirs et de la vanité humaine.